
Pierre Duval (2024)
Les échelles
D’emblée, Audrey Chevalier nous invite à prendre le château d’assaut à l’extérieur mais également à l’intérieur du mur d’enceinte. Elle nous rappelle que dans les temps médiévaux, ce grand mur était fait pour protéger les habitants mais aussi pour être escaladé par les envahisseurs.
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Audrey Chevalier récolte les éléments qu’elle trouve sur les sites. Elle extrait ces pigments d’éléments naturels, comme la Serpentine de la Carrade. Elle les broie. Les éléments naturels, délibérément érodés, se transforment en pigments, et recouvrent les toiles. C’est cette érosion volontaire – elle ramène la pierre à son état de poussière – qui permet au passé de ressurgir. Pas sous forme de récit. Sous forme de matière.
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Les siècles passent ; les souvenirs de ces assauts se désagrègent. Qu’en reste-t-il ? De la même manière, exposés aux intempéries, les tableaux d’Audrey se détérioreront ; il ne restera que des traces des œuvres qu’ils furent. Des poussières de tableaux.
Vous voilà prévenus : atteindre le sommet du château ne sera pas forcément une partie de plaisir.
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​Tourtour
Parvenus au sommet du château, nous découvrons, face à nous, une scène de bataille. Audrey Chevalier fait ressurgir du passé la bataille de Tourtour, menée par Guillaume de Provence. C’est suite à cette bataille que la Citadelle sera construite pour protéger le golfe.
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À partir de la poussière récoltée aux alentours, Audrey Chevalier nous convie à la genèse historique des ruines du château de Grimaud. Elle crée certains de ses pigments, ceux trouvés dans les carrières alentour qu’elle laisse ensuite réagir sur le tableau en confrontant les corps gras et les corps secs. La toile devient le terrain où s’entrechoquent les matières, et d’où de nouvelles matières peuvent naître. À l’instar de la mer, du littoral et de la végétation, les substances luttent. Laquelle vaincra ? Audrey est une alchi- miste des éléments. Sous sa brosse naissent des conflits, mais aussi et surtout une peinture imprévisible.
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​Bacchus
La bataille a pris fin. Allumons un feu et fêtons la victoire.
Dans le foyer, Audrey Chevalier nous réunit autour du feu. Bacchus, dieu des festivités, nous convie. Le feu jaillit de la toile. Les habitants du château sont invités à revenir, le temps d’un banquet.
Qui étaient-ils ? Quel lien y a-t-il entre eux et les pierres de Serpentine ? Pourquoi y-a-t-il eu cet assaut ? Rendez-vous à la Maison des Arcades pour le second volet de l’exposition où vous pourrez découvrir l’histoire secrète des familles et l’histoire de ce projet d’exposition.
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Béatrice Martini (2023)
En utilisant comme matériaux principaux les pierres de serpentine de la carrière de la Carrade et la poussière de pierres sèches du château disparu, Audrey Chevalier souhaite renouveler la rencontre de ces deux matières premières comme une sorte d’alliance métaphorique.
Interrogeant les notions de deux principes de réalité, principe ontologique et principe empi-rique, sa pratique de la peinture explore le territoire ou a lieu l’événement, pour être au plus près de son essence. Ses toiles, exposées en très grand format sur les remparts, seront soumises à l’érosion naturelle du vent, du soleil et de la pluie.
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Léopold Mazières (2022)
Diplômée des Beaux-Arts et architecte de métier, Audrey Che- valier revient à son premier amour et nous présente un travail pictural. Sa peinture est une lutte de corps gras et de corps secs, maîtrisée dans une chimie qui s’épand et se rétracte, jusqu’à trou- ver un équilibre des forces.
Comme une limite, comme une peau, comme la toile où tout se joue.
« Aller En Galilée, c’est revenir au premier amour, c’est tout chan- ger dans un monde qui ne change pas », nous souffle Léopold. »
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Anne-Sophie Bertrand (2023)
Var, Le 16 Août 2021.
Le plus grand incendie de l’été 2021 se déclare dans la plaine des Maures. La moitié de la réserve naturelle sera dévastée ; les pertes seront lourdes ; à nouveau un incendie aura provoqué un profond traumatisme dans cette région.
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Audrey Chevalier part récolter du noir de fumée dans la forêt du Massif des Maures,
elle le broie pour le réutiliser comme pigment et matière au service de son récit des paysages habités. Son travail pictural est au service d’une obsession : la dualité entre l’étendue et la perception intime,avec pour limite la peau, comme l’évoque Paul Valéry :
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«Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau.».
Elle peint une série de paysages inspirés par la nature, ses eaux, ses ciels, ses roches et ses bois, dans un prisme anthropomorphique : «les courbes sont des corps, les pierres des os, l’air et l’eau des fluides.»
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Du feu, cette masse incandescente qui pourfend l’horizon noir, ne laissant derrière elle
que sa silhouette lunaire et désertée, cette empreinte de noir de fumée tragique qui, oubliant les racines, annonce la mue, la renaissance et son quattrocento.
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Jean-Marie Bénard (2022)
Dans les Antimémoires, André Malraux écrivait «Le monde de l’Art n’est pas celui de l’immortalité, c’est celui de la métamorphose». Si l’écrivain visionnaire a vu juste, la peinture d’Audrey Chevalier, qui n’est que métamorphoses, est au cœur de cet objet violent non identifié qu’est l’Art.
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Mais pourquoi cette raie manta se déguise-t-elle en feuille ? Pour- quoi cet être humain - est-ce un squelette d’humanoïde ? - devient-il fleur ? ou nuage ? Pourquoi ces méduses prennent-elles leur envol en direction d’un ciel d’orage, sous le regard de vivants piliers bau- delairiens qui laissent parfois sortir de confuses paroles ? Ne vous attendez pas à trouver les réponses dans ces tableaux. En revanche, attendez-vous à ce que ces tableaux vous posent d’autres questions - et à ce qu’ils exigent de votre part des réponses.
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Bonne chance.
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